jeudi 7 avril 2011

Dieu et la Science

Il suffit que le célèbre astrophysicien Stephen Hawkins fasse son coming-out en clamant son athéisme pour que le débat entre Dieu et la Science soit relancé.

Le politiquement correct veut que les deux ne soient pas antinomiques à l'image de ce qu'aurait déclaré le Pape Jean-Paul II à Stephen Hawkins:
Nous sommes bien d'accord, monsieur l'astrophysicien. Ce qu'il y a après le big bang c'est pour vous, et ce qu'il y a avant, c'est pour nous.
( Sans doute Hawkins tenta t'il d'expliquer (en vain) que l'avant Big Bang n'a pas de sens puisque l'espace et le temps sont apparus avec le Big Bang. Si la théorie du Big Bang est exacte, il n'y a pas "d'avant".)

Cette compromission arrange d'ailleurs les deux partis, d'une part les religieux dont le dogme ne cesse d'être adapté pour coller à chaque nouvelle découverte scientifique, d'autre part les scientifiques qui redoutent les intrusions spiritualistes qui donnent lieu à toutes sortes de dérives délirantes (cf. Jean Staune qui prétend utiliser la science pour justifier l'existence de Dieu ).

Sachant que la grande majorité de la population mondiale est croyante et que la plus grande partie des scientifiques qui s'intéressent à la question (condition nécessaire mais non suffisante...) sont athées ou agnostiques (c.f. cet article), il y a pourtant de quoi se poser la question quant à la compatibilité de la Science avec la Religion.

La Science
La Science s'appuie sur la démarche scientifique qui est le moyen le plus fiable d'acquérir de nouvelles connaissances. Le moteur de la science, c'est l'ignorance. Le jour où l'on saura tout, il n'y aura plus de chercheurs. D'où l'absurdité de remarques du type "la Science ne peut pas tout expliquer".
  • la science existe justement pour s'attaquer à l'inexpliqué.
  • la formule donne l'impression qu'il y aurait ne autre source explicative alternative à la science. Or la science est, avec ses limites, la seule source possible de connaissance fiable.
  • inexpliqué n'est pas inexplicable: il y a plein de choses que l'on ignore, mais prétendre que c'est inexplicable est très présomptueux. Affirmer qu'un phénomène incompris est inexpliqué est bien plus prudent.
Comme nous l'avons vu, la démarche scientifique est la méthode la plus humble, la plus ouverte pour tenter de comprendre ce qui nous échappe. La plus humble car elle suppose le moins possible. La plus ouverte car elle est prête à reconnaître ce qu'elle constate, même si cela est contraire à l'intuition humaine, qu'elle sait faillible.

La Religion
D'un autre côté, la religion s'appuie sur des dogmes, des vérités décrétées et absolues. Elle est supportée par la foi qui n'est autre que l'inverse de la démarche scientifique. En effet, avoir la foi c'est admettre quelque chose et ne plus en douter, même lors de preuves contraires (le doute est l'ennemi de la foi). 


La Conciliation
Dans ces conditions, peut on réellement concilier les deux ? D'après le dictionnaire, la foi est "la croyance ferme en un dogme", qui lui même est défini par : "opinion indiscutable, vérité absolue". Or l'indiscutable et l'absolu sont bien antinomiques avec la posture intellectuelle ouverte de la démarche scientifique qui oblige les chercheurs à adopter une ouverture d'esprit maximale, et à proposer les outils pour se faire contredire.

Si l'on s'arrête aux définitions, cela semble donc très ardu. En théorie, les démarches sont opposées. En pratique, fort heureusement, de nombreux croyants n'ont pas d'animosité particulière vis a vis de la science, et les scientifiques ne sont pas (partout) menacés par les croyants.

A mon sens cette coexistence généralement pacifique tient à plusieurs facteurs:
  • Souvent, il existe un amalgame entre foi et croyance. La croyance (au sens d'une hypothèse adoptée temporairement) et la science sont probablement compatibles. Aussi, fort heureusement, la plupart des croyants, surtout dans les pays occidentaux, n'ont pas une foi aveugle. En réalité bien des croyants se déclarent d'une religion par identité culturelle, rituelle, culturelle, familiale, plus que par la foi. Or la croyance n'est rien d'autre qu'une hypothèse. Et tout scientifique a le droit d'émettre une hypothèse. Savoir si elle est plausible ou pas, c'est une autre histoire. Tout scientifique qui n'a pas la foi n'aura aucune difficulté à revenir sur ses croyances sans mettre en péril sa stabilité intellectuelle. En revanche, la démarche scientifique et la foi ne sont par construction pas conciliables.
  • Ce qu'il est commun d'observer, ce sont des scientifiques qui ne peuvent ou ne veulent appliquer une démarche scientifique à tous les aspects de leur existence, soit par choix (tout à fait respectable), soit par pression sociale, soit par confort. Mais il est bien évident qu'un démarche scientifique poussée n'est pas compatible avec une acceptation sans preuve.
  • Dans la vie quotidienne, rares sont les occasions où foi et démarche scientifique s'opposent. Il faut souvent pousser les raisonnements jusqu'au bout, réfléchir et se projeter pour qu'apparaissent les incompatibilités.
  • Tout comme dans la chanson de Luc Plamondon/Michel Berger
    J'aurais voulu être un artiste ...
    Pour pouvoir être un anarchiste
    Et vivre comme... un millionnaire
    Il existe des incompatibilités fondamentales qui passent bien auprès du public...
  • La dissonance cognitive permet aux être humains de mettre de côté les aspects trop dérangeants de la réalité et de s'en accommoder en la réécrivant. Ceci se résout en recourant à l'un ou l'autre des nombreux biais cognitifs, par exemple le "tri de données" permettant de se focaliser sur les points arrangeants. 
  • De nombreuses frontières fantasmées (e.g. matière/esprit, physique/mental, biologie/culture, nature/société, sciences/arts) permettent de ranger science et religion dans des compartiments bien étanches. Elles sont ainsi moins sujettes aux conflits. 
  • La science a des prétentions extrêmement modestes mais un pouvoir explicatif énorme. La religion a des prétentions énormes, mais un pouvoir explicatif quasi-nul (quand on dit que Dieu a crée l'Univers, on ne répond pas à la question des origines, pas celles de Dieu en tout cas). Selon ses aspirations, son caractère et sa philosophie de vie, on peut donc piocher dans le réservoir à réponses ou dans celui du réconfort. Quand on ne cherche pas la même chose, il est naturel que l'on se rencontre moins et cela limite a fortiori les conflits. 
Quand on lit cet article du Figaro.fr du 18 février 2011, on s'inquiète : voir les noms de Jean Staune et des frères Bogdanov n'est pas de bon augure. On y lit ensuite que "La physique ne peut pas répondre à elle seule à la question "Pourquoi il y a quelque chose plutôt que rien"". 


Je rétorquerais ceci :


La religion cherche à tout prix à répondre aux préoccupations des hommes alors que la science leur explique qu'elles sont illégitimes. Comme dans Matrix, chacun est libre de prendre la pilule bleue ou la pilule rouge, l'important, c'est d'être heureux :)






PS:
Qu'est ce qu'une question qui n'a pas de sens ?


"Pourquoi bleu ?" est une question qui n'a pas de sens intrinsèque, et pourtant rien ne vous empêche de la poser. Si la science ne peut vous répondre, ce n'est pas parce qu'elle ignore la réponse, mais parce que la question est stupide et n'en appelle aucune. Notre nature d'être humain nous amène ainsi souvent à inventer du sens là où il n'y en a pas. La question "Pourquoi y-a-t il quelque chose plutôt que rien" est probablement à ranger dans cette catégorie, mais c'est une autre histoire ....



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mardi 5 avril 2011

Ordres de grandeur de radioactivité

Depuis quelques semaines, suite au drame effroyable que vivent les Japonais, nous recevons tous beaucoup d'information concernant la radioactivité : chiffres abscons, unités exotiques, contradictions et erreurs fréquentes ne nous permettent pas d’appréhender "sereinement" le risque.
Pour commencer, ce site permet de mieux comprendre ce phénomène physique très anxiogène.

La radioactivité au quotidien
Afin de se faire une idée des différents ordres de grandeurs, je vous propose une visualisation interactive de certains phénomènes radioactifs qui nous entourent, en mSv (millisievert).

En bas à droite de chaque écran, utiliser le bouton gauche de la souris pour aller au niveau inférieur.
Utiliser le bouton droit pour revenir au niveau précédent.







Cette animation a été réalisée à partir de cet excellent graphique ainsi que celui-ci (en anglais):


Quelques idées reçues
  • La fission nucléaire n'est, pas plus que le rire, le propre de l'homme. Saviez vous qu'il existait sur Terre des réacteurs nucléaires naturels ? En effet dans la province d'Oklo au Gabon, des réactions de fissions nucléaires se sont produites pendant des centaines de milliers d'années sans aucune intervention humaine !
  • L'hypothèse dénommée effet Hormésis ou effet Hormèse qui prétend qu'en dessous d'un certain seuil, la radioactivité peut être bénéfique n'est pas celle retenue par la communauté scientifique. On lui préfère le modèle linéaire sans seuil qui veut que le risque soit proportionnel à la dose reçue. Cependant, en dessous de certaines doses, aucun problème de santé ne peut être constaté: les effets prévus par le modèle sont si peu fréquents, qu' il est en effet impossible d'établir une signifiante relation de causalité entre exposition aux radiations de très faible dose et déclenchements d'effets secondaires. Ce modèle est donc retenu d'une part pour répondre aux exigences du principe de précaution, d'autre part car il n'est pas plus mauvais que les autres, tout en étant plus simple. Par ailleurs, aucun modèle ne parvient à expliquer les résultats de toutes les études statistiques (fort heureusement trop rares).
  • La demi-vie d'un élément radioactif n'est pas la moitié de sa vie ! La demi vie de l'iode 131 est de 8 jours. Cela signifie qu'au bout de 8 jour, la moitié des atomes d'iode 131 se seront transmutés en autre chose (parfois lui même radioactif). Lorsque 2 demi-vies seront écoulées, une moitié de la moitié qui reste se sera à nouveau transformé et ainsi de suite. Il faut donc une dizaine de demi-vies pour que la radioactivité devienne négligeable (80 jours environs pour l'iode 131, 300 ans pour le césium 137).


  • De l'uranium est présent en grande quantité dans votre jardin ! Plus abondant dans la nature que l'or ou l'argent, sachez que selon les terrains, une parcelle de jardin de 400m2 sur 10 mètres de profondeur peut en contenir 24 kg. On en trouve également dans l'eau de mer (3 mg par m3 environ).
  • Chez les survivants irradiés d'Hiroshima et Nagasaki, exposés à des doses de plusieurs centaines de mSv, l'augmentation en 40 ans des cancers mortels n'est que de 4,6 % !
  • On est irradié lorsque l'on reçoit un rayonnement ionisant, qui peut endommager les cellules et l'ADN. On est contaminé lorsqu'une source de radiation s'est déposée sur le corps (on parle de contamination externe) ou a été ingérée ou inhalée (contamination interne). Cette dernière est bien évidement plus redoutable puisqu'il est impossible d'éloigner de la source de rayonnement.
  • En cas de grand danger, les pastilles d'iode ne protègent que si elles sont prises au bon moment et ne sont efficaces que contre l'iode radioactif (et pas contre le césium, ou autre substance radioactive issue des produits de fission).
  • Il y a plusieurs types de radioactivité. La radioactivité alpha est arrêtée par une simple feuille de papier (ce qui la rend d'ailleurs difficilement détectable). Elle n'en reste pas moins redoutable. Elle est responsable de la mort de l'ancien espion russe Alexander Litvinenko en 2006, empoisonné par 10 micro grammes de Polonium 210. La radioactivité beta est arrêtée par l'aluminium, et la gamma par une épaisse couche de plomb.

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