mardi 20 avril 2010

Une morale sans Dieu

Il existe dans toute religion un guide de bonne conduite. Qu'il s'agisse de simples recommandations ou d'interdictions formelles, certaines règles existent afin de garantir une "bonne moralité".

Nous verrons dans ce billet qu'il existe de nombreuses idées reçues sur le sujet, et que la science a bel et bien son mot à dire quant à la moralité.
Avant tout, rappelons quelques faits:
  1. De nombreuses études et expériences en psychologie et éthologie ont montré qu'il existe un ensemble de valeurs morales partagées par tous les êtres humains (pas seulement humain d'ailleurs), quelque soit leur religion (ou leur incroyance puisque cela inclut les athées) et ce dès leur plus jeune âge (voir 1) et 2) plus bas).
    Ainsi, il a été établi une dé-corrélation entre l'intuition du bien et du mal chez l'être humain et l'endoctrinement religieux et/ou culturel.
  2. Par ailleurs, ce qui est bien dans certaines religions ne l'est pas nécessairement dans d'autres. Par exemple, R. Dawkins relate l'effrayante histoire d'un enfant handicapé méprisé chez certains bouddhistes qui croient en la réincarnation, au prétexte que l'enfant  a du faire quelque chose de mal dans une vie antérieure pour "mériter"  sa condition !!! D'autres religions considéreraient  que penser cela est "mal". Bien entendu, on peut trouver de nombreux exemples où ce qui est "bien" dans une croyance est "mal" dans une autre (je n'ai rien contre les bouddhistes :))
Comme nous venons de le voir, la croyance religieuse n'implique pas la moralité et inversement, un comportement vertueux n'implique pas d'appartenance religieuse.

La conclusion est évidente: la moralité a une autre origine. Soit, mais laquelle ? De récents travaux semblent confirmer l'existence d'un bagage génétique chez l'humain le prédisposant à discerner le "bien" du "mal".
A l'instar du langage, pour lequel comme l'a montré Noam Chomsky le cerveau semble "préconfiguré" biologiquement, la moralité humaine a une base instinctive et génétique. Bien entendu il ne s'agit que d'une base , que l'éducation et la culture, prégnantes quoique diversifiées, viennent enrichir. C'est ainsi que des différences plus ou moins subtiles apparaissent  dans les jugements de valeurs selon la culture étudiée.

Aussi il convient de considérer le langage et la moralité davantage comme des organes à part entière que comme des apprentissages culturels désincarnés.

Cela a des conséquences considérables sur la société, dont les plus importantes sont:
  • Croire que Dieu, via les religions, dicte la bonne conduite a quelque chose d'effrayant. De nombreux philosophes (Spinoza, Kant, Heidegger, ou encore Nietzsche) ont déjà évoqué le problème. Car si Dieu n'existe pas, alors toute la moralité du croyant s'effrondre. Il est assez terrifiant de penser que votre voisin est bon parce qu'il croit en Dieu. Il est plus rassurant de savoir que comme tout être humain, le bien a chez lui une origine biologique, et qu'il ne se transformera pas en tueur si ses croyances l'abandonnent.
  • De même, lorsque des conflits entre religion et société apparaissent,  certains modérateurs tentent, pour discréditer une action (port du voile intégral par exemple, interdiction de l'avortement), de la rendre incompatible avec une religion, en insistant sur le fait que "Ce n'est pas ce qui est écrit dans la Bible/ le Coran/....". Autrement dit, c'est l'interprétation humaine des textes qui est mauvaise, mais pas le texte lui même, sauvant ainsi la foi. Là encore, la morale biologique permet d'identifier quelque chose de "mal" de façon plus objective, plus accessible et plus universelle. Un acte est "mauvais" si il  est délétère pour l'espère humaine, contraire à notre "bagage" génétique moral, et non parce que c'est écrit ou pas dans les textes (les deux  ne s'excluant pas nécessairement, fort heureusement). Sinon, comment réagirons-nous si une nouvelle religion se crée avec des textes prônant explicitement des comportements condamnables ? La respecterons-nous  au nom de la liberté de croyance ? Travestirons-nous les interprétations pour justifier l'intolérable ? Le "bien" biologique nous donne ici encore un critère de choix, un étalon de vertu qui traverse les cultures et transcende les croyances.
  • De fait, le caractère biologique de la moralité lui confère un aspect universel et augure d'une paix plus durable. En effet, les religions et les cultures diffèrent, mais ce que nous avons tous en commun, c'est notre humanité. Ainsi, il est rassurant de savoir que tous les humains partagent un socle de valeurs, rejoignant naturellement les droits de l'Homme et du citoyen, et transformant  quasiment la déclaration éponyme en un résultat scientifique.
  • Par ailleurs, l'existence de ce socle s'explique par un avantage sélectif certain. Pour faire simple, les êtres ayant des comportements non altruistes ont moins de chance d'avoir une descendance pérenne. L'instinct grégaire permet de veiller sur les enfants, d'assurer la survie du groupe, etc.... Voilà un argument de poids pour expliquer aux enfants ce qui est bien ! La morale Darwinienne est née.
  • Si il existe bien des différences entre les religions, il est évident que toutes ont également de nombreux points communs. Or, il n'y a pas lieu de s'en extasier dès lors que la notion de morale biologique est intégrée. Que les hommes, à l'origine des religions, laissent transpirer une part de leur héritage génétique commun dans des textes très différents n'est pas réellement surprenant, vous en conviendrez.... 
  • Puisque biologique, puisque faisant parti de notre capital génétique, le bagage moral dont nous disposons évolue dans le temps. En cela, il est bien différent des commandements religieux, qui restent figés dans la pierre par définition. Ce qui est bien pour nous aujourd'hui ne le sera peut être plus dans dix mille ans. Il existe donc une sorte de "Zeitgeist" moral qui évolue continuellement dans les sociétés.
Bien sûr, prendre conscience de ce bagage prendra du temps, expliquer  que la corrélation religions/moralité n'est pas une causalité plus encore. Quant aux potentielles conséquences de ces avancées scientifiques, elles peuvent sembler utopiques. Mais ne dit-on  pas que l'utopie est une vérité prématurée...



Pour en savoir plus:

3 comments:

Florent MARTIN a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Florent MARTIN a dit…

Le rapport est beaucoup plus lointain, mais parce j'ai trouvé ca intéressant, je vous propose cette vidéo également :
http://www.youtube.com/watch?v=hrCVu25wQ5s

Florent MARTIN a dit…

Autour de cette même question, il y a une conférence de Sam Harris à TED, visible en ligne ici :
Science can answer moral questions.