mercredi 18 novembre 2009

Grippe A : une piqure de rappel

LA question

La pandémie grippale est très médiatisée, c'est un fait. Parallèlement se développent certaines théories du complot toutes plus loufoques les unes que les autres. Tout cela vient perturber les citoyens que nous sommes et qui se posent légitimement une question à la formulation simple : faut-t-il se faire vacciner contre la grippe H1N1 ?

Autant le dire tout de suite, ce n'est pas dans ce billet que vous trouverez la réponse.

En revanche (pour ceux qui continuent à lire), cette situation sanitaire, propice aux propagandes qui pullulent sur le net, est également une bonne occasion de rappeler quelques points qui doivent aider votre choix, toujours personnel.

Tout d'abord, tout acte médical comporte un risque. C'est vrai pour le simple antalgique que vous absorbez, l'anesthésiant que vous administre votre dentiste et bien sûr le vaccin que l'on vous inocule.

La question n'est donc pas de savoir si le risque existe (il n'est jamais nul) mais si le rapport bénéfice/risque est en faveur d'une vaccination ou pas.

Quelques faits

Lorsque la médecine n'a pas de certitude (c'est à dire tout le temps), elle ne peut logiquement que s'appuyer sur des statistiques et autres données dont elle dispose.


En voici quelques unes :
  1. Le virus peut muter en une souche plus virulente. Pourquoi plus virulente et pas moins virulente ? Parce que s'il mute en une souche moins virulente, il disparaîtra.... Merci Darwin
  2. Le taux de mortalité de la grippe H1N1 n'est pas plus élevé que celui de la grippe saisonnière
  3. En revanche, elle est plus contagieuse et des complications graves sont à déplorer pour des personnes apparemment sans facteurs de risques
  4. Un premier risque lié au vaccin est le choc anaphylactique (moins de 1 cas pour 100.000 ). Il apparait dans les minutes suivant la vaccination.
  5. Le second risque est celui de développer le fameux syndrome de Guillain-Barré (SGB), maladie auto-immune qui provoque une paralysie progressive mais curable dont la plupart des cas. Ce risque est inférieur à 1 cas pour 1.000.000 de vaccinations
  6. Le SGB touche "naturellement" environ 2 individus sur 100.000 (indépendamment de toute vaccination).
  7. Il est pouvé que les maladies infectieuses (dont la grippe fait partie) sont susceptibles de déclencher un SGB !

Un petit exercice :

Tout cela me rappelle un exercice de pensée qui avait été proposé au corps médical il y a quelques années (merci Nicolas pour cet exemple frappant). Imaginez :
  • une maladie mortelle qui touche 1 personne sur 1000
  • il existe une opération qui permet de la soigner définitivement mais l'opération est mortelle 1 fois sur 2
  • un test fiable à 90% permet de savoir si une personne est atteinte i.e. :
    – 90% des malades sont positifs
    – 90% des sains sont négatifs
La question est la suivante : si un patient est positif au test, faut-il l'opérer ?
Suivez votre intuition pour répondre (ne pas faire de calculs).
Posez également la question à votre entourage et réfléchissez avant de lire la réponse, plus bas.






Réponse :
Pour une population de 10.000 personnes, on a :
  • 10 personnes vraiment malades
    sur ces 10 malades:
      - 90% seront positives au test, soit 9 déclarées malades
  • 9990 saines
      - 10% seront positives au test, soit 999 déclarées malades

Il y a donc 1008 (999+9) personnes déclarées malades, alors que seules 9 le sont réellement, soit environ 1%. Si on opère ces 1008 personnes, on va en tuer la moitié alors que 99% sont saines !

Pour information, les résultats du sondage ont montré que l'intuition de la plupart des médecins était fausse....


Bien entendu, on pourrait inverser les données du problème pour, par exemple.... donner l'illusion qu'il vaut mieux ne pas opérer/vacciner alors que les probabilités disent le contraire ( formulé autrement, ne SURTOUT pas voir en cet exercice un argument anti-vaccination, ni pro-vaccination d'ailleurs).

Conclusion 

Le propos est juste de rappeler que l'intuition humaine n'est pas fiable et que notre perception des statistiques et probabilités est fortement biaisée .... Les media le savent et en jouent. Mais ils ne sont pas les seuls. Les conspirationnistes et les agitateurs de tout bord savent pervertir la réalité et exploiter nos biais cognitifs pour faire accepter leur thèses. D'autres ne savent même pas que les biais cognitifs existent. Quant à savoir lesquels sont les plus dangereux, Stephen Hawking a dit : « Le plus grand ennemi de la connaissance n'est pas l'ignorance ; c'est l'illusion de la connaissance. »


Pour en savoir plus :
un article intéressant sur le sujet
Deux livres de Nicolas Gauvrit: Statistiques Méfiez-vous ! et Vous avez dit hasard...